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Et pourquoi l’Union européenne s’y intéresse-t-elle ?
L’utilisation des portefeuilles « non hébergés » pourrait bientôt devenir beaucoup plus encadrée en Europe. Le Parlement européen a voté jeudi 31 mars un amendement en faveur d’une très forte régulation des transferts de crypto-monnaies, et qui limiterait fortement la façon dont les propriétaires peuvent utiliser leurs bitcoins ou leurs ethers. Un amendement que le milieu estime punitif, et qui pourrait, selon eux, complètement retarder le développement des actifs numériques.
Que dit l’amendement voté par le Parlement européen ?
L’amendement a été voté dans le cadre d’un projet de loi sur les transferts d’argent, actuellement étudié au Parlement européen. Il n’est pas encore entré en application : la loi en elle-même a bien été votée, mais elle doit encore être débattue dans des commissions tripartites, lors desquelles elle pourrait être modifiée.
Pour l’instant, le texte prévoit de demander aux plateformes d’échanges de crypto-monnaies de collecter des informations personnelles sur toutes les personnes qui feraient des transferts d’une valeur égale ou supérieure à 1 000 euros vers des « portefeuilles non hébergés ». Présentée comme cela, la mesure n’a pas forcément de sens. Mais pourtant, elle aurait énormément d’impact : les portefeuilles non hébergés sont très communs.
Ce qu’on appelle portefeuilles, ou parfois wallets, sont des logiciels qui permettent de conserver les clés cryptographiques et donc d’accéder aux crypto-actifs que l’on possède. Ces portefeuilles prennent plusieurs formes : l’une des principales différences est la façon dont les clés sont conservées. Dans le cas des portefeuilles hébergés, les clés sont confiées à une tierce partie. C’est généralement le cas pour les wallets proposés par Coinbase ou Binance, des plateformes d’échange qui s’occupent de gérer les clés des portefeuilles.
Mais il existe également ce qu’on appelle des portefeuilles non hébergés, c’est-à-dire que la clé de vérification n’est pas gérée par le portefeuille : seul le ou la propriétaire des fonds y a accès, et le wallet ne s’occupe jamais de le conserver. C’est notamment le cas pour MetaMask, WalletConnect, mais aussi le français Ledger.
Quel serait l’impact sur les portefeuilles ?
C’est spécifiquement ce type de portefeuilles non hébergés que l’amendement touche. En forçant les plateformes d’échange à prévenir les autorités à chaque fois que les propriétaires de wallets non hébergés transfèrent plus de 1 000 euros, le Parlement européen crée une situation difficile pour tout le secteur des crypto-monnaies.
Brain Armstrong, le CEO de Coinbase, estime ainsi que la mesure est « anti-innovation, anti-vie privée, et anti-force de l’ordre ». L’amendement du Parlement européen a été pensé pour limiter le plus possible le blanchiment d’argent, mais aurait en effet des effets secondaires néfastes. Selon lui, les propriétaires de wallets non hébergés les déserteraient très certainement pour des portefeuilles hébergés — privilégiant, paradoxalement, son entreprise Coinbase. Et ce départ pousserait très certainement vers une concentration des acteurs du secteur.
Ce n’est pas tout : le nombre de données reçues par les autorités serait certainement beaucoup trop important pour qu’elles puissent être traitées de façon pertinente. Malgré tout, et comme le souligne Pascal Gauthier, le président de Ledger, une telle mesure pourrait permettre aux autorités de « créer un registre des adresses des wallets, et de donc de pouvoir surveiller en temps réel les transactions en crypto ».
Surtout que la plupart des transactions effectuées en crypto-monnaies ne sont pas liées à des activités illégales. Une enquête de Chainalysis parue en 2021 concluait que, « en 2020, la part des activités criminelles représente seulement 0,34 % de tous les transferts et activités liées aux crypto-monnaies ». L’amendement voté ne serait donc pas d’une utilité fondamentale, et ferait plus de mal que de bien à un secteur en plein développement. « Nous avons besoin de mesures taillées sur mesure pour des problèmes spécifiques, pas d’interdictions généralisées », résume Pascal Gauthier.